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Nouvelle venue dans l'univers de la chanson française, Sophie BALABANIAN ne doute pas de son exigence et c'est un bon atout pour aller de l'avant. De face, son visage ressemble étrangement à celui de Mademoiselle Rivière peinte par Ingres, mais tout son corps respire, à s'y méprendre, la femme baudelairienne, « temple » , majestueux de chair voluptueuse surmonté de « cheveux qui lui font un casque parfumé ».
A mi-chemin entre « la fille populaire », aimant la vie comme une ivresse et son côté «déesse immortelle » à la peau d'edelweiss, Sophie Balabanian a choisi, pour son deuxième tour de chant, de chanter BAUDELAIRE: un florilège de poèmes extraits des très célèbres Fleurs du Mal.
Sur vingt poèmes retenus, quatre seulement ont été mis en musique par Léo Ferré et les seize autres par le jeune musicien Laurent Francomano. C'est dire la nouveauté des textes retenus, joyaux longtemps couvés par l'ombre et qui attendaient le soleil d'une voix pour fleurir en beauté. Une saisissante voix d'alto où, selon l'expression du poète Gérard de Nerval, vibre « le soleil noir de la mélancolie ».Cette voix, âpre, dense, frottée d'ébène, sensuelle avec flamme, envoûtante, elle la doit bien sûr à la Nature, mais aussi à son travail obstiné de comédienne au Conservatoire d'Art Dramatique de Toulouse et à l'École de Chaillot. Peu après c'est le choc, la révélation, I'irrésistible destin. Un concert de Barbara et tout bascule. Sophie sera chanteuse. Pendant trois ans de probation (1997-1999), la
rue est son école, son théâtre, son music-hall, son cinéma, avec ses champs et contrechamps, ses travellings pluvieux et ses gros plans émemeillés... Du marché Richard Lenoir au marché de Buci, entre fruits et légumes, flanquée d'un petit orgue de Barbarie, Sophie ne se lasse pas de jouer, selon sa propre expression, le rôle d'antidépresseur des rues. Confrontée à la « rugueuse réalité » (Rimbaud), elle apprend à lire le Réel des rues, jaillissant, éphémère, brut de décoffrage, à humer le possible, à disperser ses graines et à peindre Paris aux couleurs changeantes de ses mélodies. Elle apprend surtout à donner, sans ménagement ni sophistication, à se donner aux autres, à apprivoiser, le temps d'une chanson, des inconnus qui, par magie, deviennent brusquement des frères. «Un tel défi au jour le jour a contribué à donner un sens à mon existence » confie-t-elle volontiers. Ce défi, elle le poursuit aujourd'hui en salle, sous l'égide de l'un des plus grands poètes français: Charles Baudelaire.
Dans une langue poétique où le trivial et le sublime se mélangent sans cesse, selon les plis et les déplis d'une dramaturgie d'ombre et de lumière, de paradis perdus et d'enfers irrémédiables, de beauté et de tristesse, de chairs volcaniques ou glacées et d'épures mystiques, chaque mot choisi par Baudelaire est un langage chiffré, le sceau d'un pacte avec l'invisible, un entrelacs de « correspondances » secrètes, un prisme rythmique à courtiser avec subtilité, un condensé émotionnel si délicat qu'une nuance en porte à faux peut en quelques secondes ruiner l'alchimie d'une interprétation.
Pour son deuxième tour de chant, Sophie nous offre un archipel de thèmes contrastés: la passion de la vie, la mémoire de l'enfance (La Servante au grand cœur, Je n'ai pas oublié), les rêves du désir (Les Promesses d'un visage, La Prière d'un paién, Parfum exotique, Hymne...), les rêveries de la mélancolie (Spleen), les angoisses morbides (Une Charogne), le vin tourmenté, I'ivresse féerique (Le Vin des amants, Le Vin de l'assassin, La Fontaine de sang), une soudaine et attendrissante Harmonie du soir, une danse macabre et rédemptrice (La Mort des pauvres), un panthéon mythologique de femmes sublimées, anges ou démons, et le brûlant poison des amours impossibles (Allogorie, Avec ses vêtements, Le Beau navire).
Claude Bardouil, dont le dernier spectacle, Les Innocents, a été créé au Théâtre de LA DIGUE en mars 2001, signe la mise en scène du récital de Sophie Balabanian dont les poèmes-chansons sont accompagnés au piano par Clara Girard.
André Dupuis, Le journal de La DIGUE